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Au coeur de l'association Musique au Val-de-Grâce ! #Focus

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Tous les jeudis, découvrez la rubrique #Focus !

Dans le cadre de son soutien aux actions culturelles et patrimoniales, la direction des patrimoines, de la mémoire et des archives (DPMA) apporte un soutien constant à l'association Musique au Val-de-Grâce, qui organise des concerts gratuits en l'Église du Val-de-Grâce. Au-delà de leur grande qualité musicale, ces concerts sont également des opportunités pour valoriser le patrimoine architectural du ministère des armées et de mettre en valeur l'orgue de l'église, classé monument historique. 

 

Rencontre aujourd'hui avec Monsieur Hervé Desarbre, organiste des armées et secrétaire général de l'association Musique au Val-de-Grâce.

 

L'histoire des liens entre la musique et le site de Val-de-Grâce sont nombreux et anciens. Pouvez- vous nous en rappeler l'histoire ainsi que celle de l'orgue de l'Eglise classé monument historique?

Avant la Révolution française, le Val-de-Grâce étant abbaye royale, les plus éminents musiciens s'y produisirent : Lully dirigea l'office des ténèbres du Vendredi Saint, et Moulinié fut l'un des maîtres de chapelle, sans oublier le compositeur et organiste François Roberday, valet de la chambre de la reine Anne d’Autriche, qui résidait au Val. Il ne s’est pas passé grand-chose au 19siècle. En revanche, au 20siècle, les meilleures chorales parisiennes animèrent les grands offices militaires, Léonce de Saint-Martin, Gaston Litaize, Pierre Cochereau, Marie-Louise Girod, pour ne citer qu'eux, tenant les claviers, aux côtés des titulaires, tandis que, souvent, l'Orchestre de la Garde Républicaine assurait la partie orchestrale. L'on ne sait rien, en revanche, de l'orgue qui se trouvait dans le chœur des religieuses avant la Révolution, durant laquelle il fut démonté et dispersé, si ce n'est le nom de l'auteur du buffet, Germain Pilon, à qui l'on doit celui de l'orgue de St Louis des Invalides. Il faudra attendre un siècle pour qu'un instrument à tuyaux retrouve sa place au Val-de-Grâce. En 1853, le génial facteur d’orgues Aristide Cavaillé-Coll installe un orgue en l’église Sainte-Geneviève. En 1885, cette église redevient Panthéon sur décision du président Jules Grévy ; il convient donc de désaffecter le bâtiment. En 1891, par entente entre les départements de la Guerre et des Travaux Publics, l’orgue est attribué à l’église de l’hôpital militaire du Val-de-Grâce, où il est transféré la même année. Sans doute se fera-t-il entendre une dernière fois, au Panthéon, lors des funérailles de Victor Hugo. En 1927, un relevage est confié au facteur Paul-Marie Koenig, qui procède à de légères transformations et menus ajouts. L'inauguration a lieu en mai de la même année, par André Marchal et Achille Philip, titulaire, professeur à la Schola Cantorum, en présence du lieutenant Koenig, futur maréchal de France, et de la maréchale Foch. Classé au titre des monuments historiques en 1979, pour sa partie instrumentale, l’orgue a été restauré en 1992/1993, dans le respect de sa composition d'origine, par les facteurs François Delangue et Bernard Hurvy. Les modifications de Koenig ont disparu et notre "petit grand-orgue", comme l'appelait Cavaillé-Coll, est aujourd'hui l'un des très rares témoins parisiens de l'art de Cavaillé-Coll parvenus jusqu'à nous sans dénaturations ou mises "au goût du jour" irréversibles. Cela explique, malgré sa taille relativement modeste, le renom dont il bénéficie à l'étranger, et ce jusqu'aux Etats-Unis.

 

Les concerts organisés gratuitement chaque premier dimanche du mois en l'Eglise du Val-de-Grâce offrent une programmation diversifiée, avec le souci de mettre en lumière des faits et/ou des figures historiques, notamment militaires. Comment parvenez-vous à faire concilier musique, architecture et histoire ?

Dès le départ, j’ai souhaité que nos concerts ne soient pas des concerts "en plus", car il y en a déjà tellement à Paris, mais des concerts "autrement". C’est un aspect fondamental de nos saisons, ce qui en fait l’originalité. Dans un lieu aussi chargé d’histoire, aussi beau, qui est situé au sein d’une école qui a apporté à la médecine française tant de grands noms, de découvertes, sans oublier le premier Prix Nobel français de médecine (Alphonse Laveran), et qui continue aujourd’hui de tracer un chemin d’exception reconnu au plan international, il était impossible d’organiser des concerts qui ne soient pas au même niveau. Donc, presque tous sont autour d’un grand événement de notre histoire, ou d’un anniversaire, et les programmes offerts au public comportent un hommage du Service de santé des armées à une personnalité ayant contribué à l’histoire de la médecine, en particulier militaire, une rubrique "Connaissance du Val-de-Grâce", apportant un éclairage sur la grande et la petite histoire du Val, en particulier sur ce que le public ne voit pas, un hommage de l’aumônerie catholique militaire, puisque nous sommes dans une église, et enfin une rubrique "Faisons mémoire", consacrée aux femmes et aux hommes qui ont écrit l’histoire de notre pays, quel que soit le domaine, armées, sport, culture, technique... Il y a donc une signature musicale qui fait que le public est au rendez-vous, certains auditeurs nous disant qu’ils viennent là pour entendre ce qu’ils n’entendent pas ailleurs. Après, avec mon adjoint Benjamin Pras, nous bâtissons les programmes, en cherchant, en lisant musiques et ouvrages, en mettant en lien le thème et des œuvres qui pourront être jouées pour l’illustrer. Par ailleurs, nous avons, selon le thème et la formation invitée, des dispositions différentes : à l’intérieur ou devant la chapelle de l’orgue, devant le baldaquin, chanteurs en procession sous le dôme ou dans la nef, et même musiciens et chanteurs aux quatre balcons du chœur, comme à Saint-Marc de Venise ! Et ce qui est formidable, c’est que les formations chorales ou instrumentales, militaires ou civiles, qui se produisent au cours de nos saisons, saisissent immédiatement notre signature musicale et se coulent, avec complicité, dans l’originalité de nos programmes.

 

La DPMA soutient vos actions depuis de nombreuses années, en quoi cette aide est-elle précieuse ?

Il y a là deux aspects : l’aspect financier, puisque ça représente le tiers de notre budget, donc le tiers de nos concerts, ce qui n’est pas rien, pour nous. Ensuite, l’autre aspect, aussi important à travers cette subvention, c’est la reconnaissance de notre action, donc un encouragement à la poursuivre. Il y a longtemps de cela, la DPMA, voyant le développement de nos concerts, avait souhaité la création de Musique au Val-de-Grâce, ce qui était en sorte une officialisation de ces manifestations musicales, qui cherchent à contribuer à la mise en valeur du site, aux côtés de l’école du Val-de-Grâce, qui, depuis le départ, nous aide de façon importante, du musée, et de la bibliothèque centrale du SSA. Ces concerts sont sous la bannière du ministère des armées, en général, et du service de santé, en particulier, et nous sommes heureux de la collaboration directe et fidèle avec la DPMA, qui a parfaitement vu que nos concerts participent pleinement au travail autour de la mémoire et à la politique culturelle du ministère.

 

Une question plus personnelle à vous qui êtes organiste des armées, que ressent-on lorsqu'on est invité à se produire au sein de cette église magnifique, qui plus est avec cet orgue classé monument historique ?

Cela fait 27 ans que j’ai été nommé titulaire du Val-de-Grâce, où j’ai organisé quelque 350 concerts et auditions. Malgré toutes ces années, lorsque je traverse le vaste chœur pour aller à l’orgue, c’est toujours le même bonheur de contempler ce lieu d’une telle beauté, et riche d’une telle histoire. Lorsque je m’installe à l’orgue, je goûte chacune des couleurs de cet instrument dont les organistes invités étrangers, qu’ils soient américains, russes ou encore Italiens, louent les qualités, avec un peu d’envie, souvent ! Ce lieu a une histoire, cet orgue a aussi une histoire, et cette histoire, nous continuons de la faire vivre, avec l'aide et l'appui de la DPMA et de l’école. J'ajouterai que cet appui et la présence nombreuse du public me permettent d’être libre du choix des thèmes et des œuvres ; c’est une marque de confiance qui fait que je me sens si bien au Val-de-Grâce ! Et j’apprécie la chance, chaque fois que j’y suis, d’y avoir été nommé.

 

Publié le 11 juin 2020