Représenter les champs de bataille autrement que par les cartes. Histoire de la collection
À partir de 1761, le dépôt de la Guerre, conservatoire des archives du ministre de la Guerre, est également chargé de rédiger une histoire militaire officielle, histoire essentiellement factuelle, pour servir à la conduite des opérations ultérieures, puis de produire les cartes nécessaires à la conduite de la guerre. Durant tout le XIXe siècle, la production cartographique prend une place importante dans l’activité du dépôt. En marge de celle-ci et dans le souci de représenter les batailles, des ingénieurs géographes sont chargés de réaliser des dessins qui seront transformés en aquarelle.
Les conflits du XVIIe siècle mais aussi les entrées royales sont représentés de façon lacunaire dans la collection du Ministre par des œuvres de Cozette, Lenfant, La Pegna et Jean-Baptiste Martin fils. Un corps de peintres de batailles semble avoir été créé en 1769 et joint à celui des ingénieurs-géographes, mais ce sont les guerres de la Révolution puis les campagnes napoléoniennes qui sont à l'origine du premier essor de cette collection, ainsi que du premier arrêt de la production.
Sous la Monarchie de Juillet, des officiers d’état-major sont chargés de suivre les troupes françaises engagées dans la conquête de l’Algérie et d’établir relevés, mémoires de reconnaissance et croquis. Transmises à Paris, ces données sont utilisées par les peintres Théodore Jung et Gaspard Gobaut pour exécuter des aquarelles retraçant les principales étapes de la conquête. Près de trois cent dessins, ainsi qu’une soixantaine d’aquarelles sont réalisées, principalement entre 1830 et 1837.
Le travail de représentation des campagnes de la Grande Armée connaît une renaissance sous l’impulsion du général Pelet, directeur du Dépôt de la Guerre à partir de 1830. Le recrutement des artistes s’élargit : ils sont soit officiers issus du corps des ingénieurs-géographes et repérés pour leur talent, comme le capitaine Genet, soit des civils employés par le Dépôt de la Guerre, comme Théodore Jung et Gaspard Gobaut. Le général Pelet s’intéresse notamment à la reprise du travail resté en suspens sur les campagnes d’Allemagne de l’Empire et met en chantier la transposition en aquarelle des dessins préparatoires.
La production de dessins et d’aquarelles représentant les interventions militaires françaises se poursuit à partir de 1844 et sans interruption jusqu’en 1860 ; les champs de bataille retracent la poursuite de la conquête de l’Algérie, la guerre de Crimée, la campagne de Napoléon III en Italie (1859) puis reprennent après la guerre de 1870. L’apparition de la technique photographique fait abandonner petit à petit dans les années 1880 l’usage du « renseignement dessiné ». Le dernier artiste rémunéré par le Dépôt de la Guerre, Pierre Comba, achève sa carrière en 1902.
Ces œuvres sont aujourd’hui conservées dans différentes institutions : au musée de Versailles, dans certains musées d’armes et services administratifs du ministère, ainsi qu’au Service historique de la Défense, héritier du dépôt de la Guerre et gestionnaire de la collection.
La fortune de cette collection a été moins heureuse au XXe siècle : méconnue et dispersée dans différents sites et institutions, elle a parfois subi des dégâts irrémédiables. Elle reste aujourd’hui une collection « vivante » au sein du ministère.
Les dessins préparatoires, établis souvent sur des feuilles de papier ou de calque assemblées ensemble sur le champ de bataille, posent de nombreux problèmes de conservation. Il s'agit désormais de préserver cette collection et de la faire connaître pour son intérêt historique.