Un concept déjà ancien
L’idée d’établir des historiques relatant les faits d’armes des régiments remonte au début du XVIIIe siècle. Plusieurs auteurs tentèrent d’établir des collections d’historiques pour l’ensemble des régiments mais ces tentatives échouèrent du fait de l’ampleur du travail. On citera cependant les Essais historiques sur les régimens d’infanterie, de cavalerie et dragons, paru en 1765 sous la plume de monsieur de Roussel car il est le premier à définir le contenu possible d’un historique régimentaire : l’origine du régiment, l’histoire militaire des colonels, lieutenants-colonels et majors, une liste historique de tous les capitaines et le journal des campagnes du régiment, le détail des sièges et batailles qu’il y a faite, le nom des officiers qui y ont été tués ou blessés.
Le premier essai officiel de constitution d’historiques régimentaires remonte à une lettre adressée par la 5e division du département de la Guerre le 22 nivose an II aux conseils d’administration des unités. Cette lettre préconise la rédaction d’une « notice détaillée, exacte et fidèle, de tous les traits et actions héroïques dont le souvenir mérite d’être conservé et dont les membres du corps auquel vous appartenez auront été les auteurs, à dater du commencement de la guerre jusqu’à ce jour », ainsi que d’une « liste non moins exacte de tous les braves défenseurs de la Patrie morts les armes à la main pour la cause de la Liberté ». Parmi les rares applications, notons à la date du 8 décembre 1796, un ordre de Bonaparte à l’armée d’Italie, de faire rédiger ces historiques par chacune des demi-brigades.
Datée du 1er jour complémentaire de l’an VIII, une instruction rappelle l’obligation faite aux divisions d’envoyer régulièrement au dépôt de la Guerre, des « bulletins historiques » contenant leur composition, leurs mouvements, les noms des officiers supérieurs, l’état connu des forces ennemies, le résultat de l’action menée contre elles et les noms des soldats méritant. Suite au décret du 25 germinal XIII sur les revues et la solde, une notice pour servir à l’histoire du corps apparaît au verso de la page de titre du registre de contrôle des troupes de chaque régiment. La décision ministérielle du 30 août 1815 prescrit la rédaction d’un historique par le lieutenant-colonel de chaque régiment. Il se publia plusieurs historiques mais aucune collection portant sur l’ensemble des unités.
Le 18 avril 1839, le général Cubières, ministre de la Guerre, fit adopter par le roi, la rédaction de « notices historiques de tous les régiments » car « rétablir et conserver les glorieux souvenirs qui se rattachent aux anciens corps, serait le moyen le plus efficace de ranimer l’esprit de corps trop souvent ébranlé en France par les licenciements, par les réorganisations d’armée, et de remédier à l’absence des traditions dont les rangs de nos jeunes soldats sont vides aujourd’hui ». Les notices devaient être uniformes et toutes présenter un exposé des organisations successives de l’unité, une liste de ses chefs, mais aussi « des militaires de tous grades mis à l’ordre de l’armée pour un fait éclatant », et enfin un historique des « campagnes, sièges, batailles et faits mémorables ».
Averti de l’absence de documents et de témoins au sein des régiments, le ministre envisageait que les notices soient rédigées à partir des archives conservées au ministère, puis imprimées et distribuées dans les régiments pour être placées dans les registres matricules et servir à l’instruction des soldats. Mais la faible section des travaux historiques du dépôt de la guerre, dirigée par le colonel Brahaut, ne put rédiger qu’une cinquantaine de notices publiées dans le Moniteur universel, puis en fascicules entre 1843 et 1847. Ces travaux encouragèrent des publications privées, comme l’Histoire de l’armée et de tous les régiments, par Adrien Pascal (1847-1853) ou l’Histoire de l’ancienne infanterie française, par le capitaine Louis Susane (1849-1853).