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Portrait de Geoffrey Koenig, bénéficiaire d'un contrat doctoral financé par le ministère des Armées #Interview 1

© Tous droits réservés - Geoffrey Koenig

Le 18 février 2021 – Pendant trois semaines, retrouvez la rubrique #Interview tous les jeudis !

Dans le cadre de sa politique de soutien à la recherche en histoire, le ministère des Armées a attribué 3 allocations visant au financement de contrats doctoraux en lien avec des universités en 2020. Le dispositif a pour objectif d’accompagner des doctorants dont la recherche s’inscrit dans l’un des axes de recherche jugés prioritaires par le ministère des Armées. Aujourd’hui, il vous est proposé de rencontrer monsieur Geoffrey Koenig, bénéficiaire d’un contrat doctoral financé par le ministère des Armées pour son projet de thèse « Sieg um jeden Preis ». L’armée allemande et l’idéologie nazie sur le front de l’Ouest (6 juin 1944 – 8 mai 1945) » sous la direction des professeurs Catherine Maurer et Johann Chapoutot à l’université de Strasbourg.

 

Pouvez-vous nous présenter votre parcours universitaire et académique, ainsi que les raisons qui vous ont incité à postuler au printemps 2020 à l'appel à candidatures pour le financement de votre contrat doctoral par le ministère des Armées ? 

Après avoir obtenu une licence en histoire et une autre en sociologie à l’Université de Strasbourg, j’ai souhaité poursuivre mon parcours avec l’idée de me spécialiser en histoire militaire. J’ai choisi de me consacrer à l’étude de l’armée allemande durant la libération de l’Alsace, raison pour laquelle je me suis inscrit au master « Histoire des mondes germaniques » proposé par la Faculté des Sciences Historiques de Strasbourg. Mon mémoire, soutenu en 2018, portait sur la poche de Colmar, un réduit militaire allemand ayant résisté aux Alliés en Alsace centrale en novembre 1944 et février 1945 ; ce travail a donné lieu à la publication récente d’un ouvrage, « L’armée tiendra jusqu’au dernier ». L’armée allemande dans la poche de Colmar. (Novembre 1944-février 1945) » (voir références bibliographiques).

Afin de poursuivre ma carrière dans l’enseignement supérieur et la recherche, j’ai passé l’agrégation d’histoire en 2019, puis, à l’issue d’une année d’enseignement au lycée de Molsheim, j’ai émis le souhait de poursuivre mes recherches sur l’armée allemande en élargissant la focale, prenant en considération l’ensemble du front de l’Ouest entre 1944 et 1945. Le soutien de mes directeurs de thèse, Mme. Catherine Maurer et M. Johann Chapoutot, m’a encouragé à répondre à l’appel du ministère des Armées pour le financement de contrats doctoraux en histoire militaire, qui semblait convenir à mon profil et à mes préoccupations scientifiques.

 

Votre projet de thèse " Sieg um jeden Preis". L’armée allemande et l’idéologie nazie sur le front de l’Ouest (6 juin 1944 – 8 mai 1945) " intéresse l'armée allemande. Pourquoi cet intérêt pour ce thème de recherche que vous explorez depuis quelques années ?

Cet intérêt est possiblement lié à mon enfance et à mon adolescence, puisque j’ai grandi en Alsace, une région particulièrement marquée par les conflits contemporains autant sur le plan du paysage que de la mémoire collective. Aussi longtemps que je me souvienne, j’ai toujours été passionné par la Seconde Guerre mondiale, passion qui s’est transformée, au fil de mes études, en interrogations, qui sont elles même devenues des questionnements scientifiques.

Mon intérêt pour l’armée allemande, spécifiquement, s’est développé au cours de mes recherches en master. Avant de définir clairement mon sujet de recherche, je souhaitais certes étudier l’armée allemande mais aussi les troupes alliées et les civils alsaciens durant la libération. Cependant, le risque de réaliser une synthèse et non une recherche inédite m’a amené, sur les conseils de Catherine Maurer, à me concentrer sur les seules troupes allemandes. La confrontation aux archives conservées à Fribourg-en-Brisgau a par la suite développé ma conviction qu’il y avait beaucoup à faire dans ce domaine. La question est de surcroit toujours d’actualité, alors que les affrontements fortement idéologisés sont loin d’avoir disparus.

 

L'historiographie sur votre sujet de thèse et sur la violence de guerre connait de nombreux renouvellements et de nouvelles approches sont mises en perspective depuis les années 1990 (citons les travaux de Christopher Browning et d'Omer Bartov ou de Christian Ingrao en France). En quoi vos travaux s'inscrivent-ils dans cette tendance ?

En effet, depuis les trente dernières années, l’historiographie a permis de mettre fin au mythe de la « Wehrmacht aux mains propres » : au contraire, l’armée allemande apparaît désormais comme un outil central du régime nazi autant qu’elle occupe une place fondamentale dans le projet idéologique. Cet acquis a été le fait de travaux importants, d’Omer Bartov notamment, mais aussi de Wolfram Wette ou de Rolf-Dieter Müller, qui ont participé à développer une approche sociale et culturelle du fait guerrier et à renouveler nos questionnements.

Dans une dynamique similaire, cette période connait aussi le développement d’une approche « par le bas » de l’armée allemande, celle qui s’intéresse aux acteurs et à leur quotidien. En étudiant le 101e bataillon de police, Christopher Browning a réfléchi aux processus qui ont mené des « hommes ordinaires » à devenir des bourreaux dans le cadre du génocide des Juifs sur le front de l’Est (voir références bibliographiques).

Enfin, l’histoire de l’idéologie nazie a connu des renouvellements similaires, notamment dans l’historiographie française grâce à Christian Ingrao et Johann Chapoutot, qui y ont appliqué les méthodes de l’histoire culturelle et de l’anthropologie historique afin de mieux saisir le sens d’une idéologie qui navigue entre la promesse d’un monde meilleur et l’angoisse de l’extermination du peuple allemand. D’un point de vue idéologique, la guerre est une étape incontournable pour éliminer les « ennemis » du peuple allemand et lui assurer un avenir radieux.

C’est dans cette perspective que s’inscrit mon travail, qui interroge la ténacité de l’armée allemande sur le front de l’Ouest, malgré la certitude toujours plus forte d’une défaite prochaine, voire imminente. L’objectif est de questionner la place de l’idéologie nazie dans ce phénomène, sans pour autant faire l’économie d’une réflexion multifactorielle. Cela implique de considérer l’armée en tant qu’institution qui tient des discours et prend des mesures visant à obtenir la « victoire à tout prix », ce qui fait d’elle l’un des principaux acteurs de la radicalisation idéologique de la fin de guerre. Pourtant, composée de soldats qui n’agissent pas uniformément, l’armée peut aussi être considérée comme un groupe social, ce qui amène inévitablement à des réflexions sur l’expérience guerrière, le quotidien des soldats, leurs sentiments, leurs peurs et leurs espoirs.

 

En quoi le soutien du ministère des Armées pour votre doctorat est-il utile ? 

Le soutien exprimé par le ministère des Armées en m’accordant un contrat doctoral a été déterminant pour la poursuite de mes recherches, puisqu’il permet de me consacrer à ce projet à temps plein. Devenir chercheur associé au ministère des Armées c’est intégrer un réseau particulièrement dynamique, permettant à un jeune doctorant de faire connaître ses travaux, mais aussi de les confronter à de précieux avis extérieurs.

 

Références bibliographiques

-  Geoffrey Koenig, L'armée tiendra jusqu'au dernier" – L’armée allemande dans la poche de Colmar (novembre 1944-février 1945), Paris, L’Harmattan, 2020, 260 pages.

-   Christopher Browning, Des hommes ordinaires. Le 101e bataillon de réserve de la police allemande et la « Solution finale » en Pologne, Paris, Les Belles Lettres, 1994.

Curriculum vitae de Geoffrey Koenig

 

 

Le 24 mars 2021, le ministère des Armées lancera l’appel à candidatures pour le financement d’un contrat doctoral en histoire militaire et de la défense.

 

Publié le 18 février 2021